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Tables rondes Frantz Fanon

Casey, Alice Cherki, Latifa Laâbissi, Mohammed Lakhdar-Hamina, Mathieu Kleyebe Abonnenc, Catalina Lozano, Richard & Sally Price, Matthieu Renault, Claire Tancons, Pierre Zaoui

Dans le cadre de l'exposition « Orphelins de Fanon » de Mathieu Kleyebe Abonnenc au Centre d'art contemporain de la Ferme du Buisson, deux journées exceptionnelles de tables rondes réunissent anthropologues, philosophes, historiens, cinéastes, chorégraphes, musiciens…  autant de voix pour rendre hommage au formidable parcours intellectuel de Frantz Fanon.

« Pourquoi Fanon ? Pourquoi son nom commence-t- il, après tant d'années d'un relatif désintérêt, à alimenter un débat intellectuel aussi vif, et attiser une fois de plus autant de controverses ? Pourquoi en cet instant précis, dans une telle conjoncture (...) ? »

 

 Ces questions, posées par le sociologue anglais Stuart Hall dès 1995, résonnent particulièrement en cette année 2011 qui marque le cinquantenaire de sa mort. C'est autour de ces questions, « pourquoi Fanon ? » et surtout « pourquoi aujourd'hui ? », que se dérouleront les discussions qui prendront place dans l'exposition. Mais l'enjeu est aussi d'interroger et de déconstruire les relations que nous pouvons entretenir la pensée de Fanon, afin d'en appréhender la radicalité, les écueils ou les intuitions prémonitoires. Car si Fanon fut assurément l'une des figures majeures des années 60 et 70, ayant accompagné les récits d'émancipation, entre autres, des pays non-alignés, la destinée de ses analyses et de ses mises en garde a subi de nombreux flux et reflux.

 

Il s'agira de partir la recherche de Fanon, en observant les empreintes que ses écrits ont laissé sur ces cinquante dernières années, et de questionner les futurs qu'ils dessinent.

 

 

avec le soutien de la Drac Guyane et du Commissariat de 2011 Année des Outre-mer

 

      

sam 21 jan

10h accueil / café

10h30 visite de l'exposition « Orphelins de Fanon »

11h30 Richard Price, « La mémoire collective et les droits de l'homme »

12h30 Catalina Lozano, « ¿Tierra de nadie? »

13h30 Déjeuner *

15h Claire Tancons, « Le carnaval comme geste de résistance »

16h Sally Price, « Une architecture animiste »

17h Projection de Chronique des années de braise (1975), un film de Mohammed Lakhdar-Hamina (sous réserve)

 

dim 22 jan

10h accueil / café

10h30 visite de l'exposition « Orphelins de Fanon »

11h30 Matthieu Renault, « Fanon et la décolonisation des savoirs : esquisse d'une épistémologie postcoloniale »

12h30 Pierre Zaoui, « Violence et vérité - Fanon sage-femme de l'histoire ? »

13h30 déjeuner*

15h Latifa Laâbissi, « Figure Project »

16h Alice Cherki

17h Casey

 

Discussions animées par Mathieu Kleyebe Abonnenc, et modérées par Olivier Marboeuf

 

* Possibilité de déjeuner sur place (10€ / repas) sur réservation uniquement au 01 64 62 77 77

Richard Price (anthropologue)

Diplômé de Harvard, Richard Price a enseigné l'ethnologie et l'histoire dans plusieurs universités aux États-Unis (Yale, Johns Hopkins, William & Mary) ainsi qu' l'Universidade Federal da Bahia (Brésil) et l'École des Hautes Études en Sciences Sociales Paris. Son livre sur la lutte des Saramaka pour leurs terres, intitulé Peuple Saramaka contre Etat du Suriname : Combat pour la forêt et les droits de l’homme, sortira chez Karthala en avril 2012.

La mémoire collective et les droits de l'homme

Mon nouveau livre, qui va paraître en français vers le mois d'avril, est consacré la lutte des Saramaka pour défendre leur territoire traditionnel et leur mode de vie contre les incursions de l'État du Suriname. En même temps, je voudrais proposer une leçon sur l'utilité de l'anthropologie et l'histoire dans les luttes juridiques du présent. Il s'agit d'un cas précis où la mémoire collective d'un peuple qui ne sait ni lire ni écrire a néanmoins influencée la Cour la plus importante des Amériques protéger leurs droits les plus fondamentaux. Dans ce cas, la mémoire collective des Saramaka a joué un rôle clé dans leur victoire devant la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme. Autrement dit, la mémoire collective qu'a un peuple de ses révoltes des XVIIe et XVIIIe siècles est en train de produire d'importants effets politiques, économiques, sociaux, et culturels au XXIe siècle. Et ces effets ont une importance pour toutes les nations des Amériques.

 

Catalina Lozano (chercheuse et commissaire d'exposition)

Catalina Lozano, née en1979 Bogotá, est chercheuse et commissaire d'exposition indépendante. Elle s'intéresse principalement à la recherche historique dans l'art et aux récits mineurs ainsi qu'à la relecture contemporaine des narrations historiques dominantes. Parmi ses expositions récentes, on compte : « ¿Tierra de nadie ? », Centro Cultural Montehermoso, Vitoria-Gasteiz (2011) ; « Modelling Standard (Erick Beltrán et Jorge Satorre) », FormContent, Londres (2010); « Divan: Free-Floating Attention Piece (Santiago Borja) », Freud Museum, Londres, 2010 et « Everything has a name, or the potential to be named », Gasworks, Londres (2009). Entre 2008 et 2010, elle était chargée du programme de résidences artistiques Gasworks, Londres. Elle est également co-fondatrice de desitio, une plate-forme de projets d'art contemporain Mexico.

« ¿Tierra de nadie? » (No man's land), Centro Cultural Montehermoso, Vitoria-Gasteiz, 2011

L'exposition « ¿Tierra de nadie? » présentait les œuvres de dix artistes contemporains qui, à partir de divers points de vue, exploraient la question de l'appropriation de la terre et certaines formes de résistance populaire. Depuis la clôture des terres communales en Angleterre jusqu'aux stratégies plus récentes d'appropriation, en passant par l'usurpation coloniale, la possession et l'usage de la terre ont été abordés inégalement : entre l'accumulation et la lutte des petits propriétaires, entre la privatisation et l'usage partagé. « ¿Tierra de nadie ? » met en question l'idée coloniale que la terre située au-delà de l'Europe était un no man's land et, par conséquent, pouvait être usurpée. Car la terre a une valeur économique mais aussi une valeur culturelle et politique qui a également fait l'objet d'une appropriation. Cette présentation s'inscrira dans le contexte d'une recherche sur la colonialité du pouvoir associé aux pratiques artistiques contemporaines.

 

Claire Tancons (historienne de l'art et commissaire d'exposition)

Née en Guadeloupe en 1977, Claire Tancons, basée aux États-Unis est chercheuse et commissaire d'exposition. Elle a été commissaire associée Prospect.1 et Contemporary Arts Center (Nouvelle Orléans), co-commissaire de la Biennale de Gwangiu (Corée, 2008) et commissaire invitée CAPE09 (Afrique du Sud, 2009). Elle est actuellement directrice artistique de la Biennale d'Harlem.

Le carnaval comme geste de résistance

Elle abordera son travail de mise en relation entre le carnaval comme geste de résistance des sociétés coloniales et postcoloniales des Amériques et de leurs diasporas nord-américaines et européennes ainsi que le carnavalesque comme stratégie de contestation des mouvements anticapitalistes dans le cadre d'une théorie générale sur les liens qui unissent Carnaval et Capital(isme).

 

Sally Price (anthropologue)

Diplômée de Harvard et Johns Hopkins, Sally Price a enseigné l'ethnologie et l'histoire de l'art dans plusieurs universités aux États-Unis ainsi qu' l'Universidade Federal da Bahia (Brésil). En 2003, elle était Directeur d'études invité, Section sciences religieuses, à l'École Pratique des Hautes Études à Paris. Son livre sur le musée du quai Branly, intitulé Au musée des illusions : le rendez-vous manqué du quai Branly, est sorti aux Éditions DeNoël en 2011.

Une architecture animiste

L'architecture réalisée par Mathieu Kleyebe Abonnenc pour son exposition prend comme point de départ l'analyse de la ville coloniale dans Les Damnés de la terre : « monde compartimenté, manichéiste [...] Voilà le monde colonial ». Prenant cette intervention comme arrière-plan, j'examinerai l'architecture du musée du quai Branly qui se vante d'être un hommage aux peuples hors de l'Europe. Pour quelles raisons et par quelles techniques architecturales est-ce que Jean Nouvel a créé un environnement où les anciennes colonies (par exemple) sont réduites à des stéréotypes d'un monde animiste, érigeant ainsi un mur impénétrable entre les mondes « civilisé » et « primitif » ?

 

Matthieu Renault (chercheur et docteur en philosophie politique)

Matthieu Renault est docteur en philosophie politique (Université Paris VII Denis Diderot et Universit degli Studi di Bologna). Il est chercheur associé au Centre de Sociologie des Pratiques et Représentations Politiques (CSPRP) et ingénieur de recherche post-doctorant au département de sciences économiques et sociales de Telecom ParisTech. Il est l'auteur de nombreux articles et chapitres d'ouvrages sur Frantz Fanon parus en France, États-Unis, Italie et Algérie, ainsi que d'un ouvrage publié en octobre 2011 aux Éditions Amsterdam : Frantz Fanon : de l'anticolonialisme la critique postcoloniale. Ses recherches actuelles portent sur la question de la décolonisation des savoirs.

Fanon et la décolonisation des savoirs : esquisse d'une épistémologie postcoloniale

Je m'attacherai interpréter l'œuvre de Fanon comme une contribution essentielle la tâche d'une décolonisation des savoirs. M'appuyant sur le concept de théorie voyageuse introduit par Edward W. Said, je concevrai la pratique théorique de Fanon en tant que gouvernée par un double mouvement d'héritage et de « déshéritage », de déprise et de reprise, en d'autre termes de traduction des théories nées en Europe, celles-ci se voyant altérées/transformées par leur « voyage » extra-européen, par leur appropriation d'un point de vue anticolonial. Je dresserai ainsi l'inventaire des méthodes de déplacement épistémique mises en œuvre par Fanon, celui-ci ouvrant la voie ce que l'on désignera comme une phénoménologie décoloniale.

 

Pierre Zaoui (philosophe)

Maître de conférences en philosophie l'Université Paris VII où il dirige un séminaire d'introduction l'art contemporain, Pierre Zaoui vient de publier en collaboration avec Laurence Duchène, L'Abstraction matérielle : l'argent au-delà de la morale et de l'économie (La Découverte, 2012). Il écrit dans plusieurs revues dont Esprit, Astérion et Mouvements. Il est membre du comité de rédaction de la revue Vacarme.

Violence et vérité — Fanon sage-femme de l'histoire?

Où il sera peut-être discuté de la nouvelle question de la violence qu'a posée Fanon, de sa vérité et de ses impasses, de la lecture qu'en a proposée Sartre (« vous trouverez que Fanon est le premier depuis Engels à remettre en lumière l'accoucheuse de l'histoire »), de l'élision de la question des femmes et des mères qu'elle suppose, du refus radical de la psychanalyse qu'elle revendique, de la mère patrie et de la mère de Socrate, de l'influence qu'aura une telle question sur la conception du « devenir révolutionnaire minoritaire » chez Deleuze et Guattari, de son actualité/inactualité troublante. Et où il sera peut-être aussi, on l'espère, discuté d'autre chose...

 

Latifa Laâbissi (artiste et chorégraphe)

Pièces, installations, conférences performées, collaborations pluridisciplinaires : mêlant les genres, réfléchissant et redéfinissant les formats, le travail de Latifa Laâbissi fait entrer sur scène un hors-champ multiple ; un paysage anthropologique où se découpent des histoires, des figures et des voix. À rebours d'une esthétique abstraite – elle extrait des débuts de la modernité en danse une gestualité fondée sur le trouble des genres et des postures sociales : un travestissement des identifications qui révèle la violence des conflits dont le corps est l'objet, et en renvoie une image grimaçante.

Figure Project

Dès ses premières collaborations, la mise en jeu de la voix et du visage comme véhicule d'états et d'accents minoritaires devient indissociable de l'acte dansé. Creusant les liens souterrains entre histoire des représentations et imaginaire collectif dans Self Portrait Camouflage (2006), la figure lui sert d'outil pour exposer les symptômes du refoulé colonial, et retourner contre elle-même la brutalité des mécanismes d'aliénation qu'il produit. Avec Loredreamsong (2010), elle poursuit cette exploration sous la forme d'un duo, où fragments de discours, rumeurs subversives, états de rage et ironie s'entrechoquent, faisant dérailler les repères subjectifs, politiques et narratifs.

 

Alice Cherki (auteure, psychiatre et psychanalyste)

Née Alger en 1936 dans une famille juive, Alice Cherki a pris une part active la lutte pour l'indépendance de l'Algérie. Elle a travaillé avec Frantz Fanon en Algérie et en Tunisie. Elle vit et travaille Paris depuis 1965. Membre fondateur du Diwan oriental/occidental, membre du Manifeste des libertés, elle a participé entre 2002 et 2007 à l'initiation à la psychanalyse d'un groupe algérois. Elle est l'auteure de Frantz Fanon, portrait (Seuil, 2000 - postface 2011), de la préface la réédition des Damnés de la terre (La Découverte, 2002), de La Frontière invisible, violences de l'immigration (Éditions des crépuscules, 2006). Elle a écrit dans de nombreux ouvrages collectifs et revues : Intersignes, Psychanalystes, Lignes, Psychologie clinique, Traverses, Panoramiques, Que Voi... sur les thèmes des cliniques de l'exil, de l'identité, de l'étranger.

À paraître : Ceci n'est pas un conte (2011), Fille d'Alger (2011), L'Assignation au regard (2011).

 

Casey (rappeuse)

On sait qu' chaque nouvelle apparition de Casey, des oreilles s'ouvrent et d'autres sifflent, des bouches se ferment et d'autres se délient. C'est une saine conséquence de la loi naturelle de cette œuvre humaine qu'est le hip-hop, celle qui veut que les artistes majeurs de ce courant musical constamment caricaturé par des médias petit-bourgeois marquent au fer rouge plusieurs générations d'auditeurs quand les pleurnichards de service, les gangsters gonflables ou les rebelles de salons encombrent brièvement les poubelles de nos mémoires. Et comme le bon hip-hop est forcément subversif, brut de décoffrage avec une attention toute particulière pour l'impact des mots, on peut le consommer ad vitam aeternam, sans qu'aucune lassitude ne naisse avec les années.

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infos pratiques

à partir de 10h

 

entrée libre sur réservation au 01 64 62 77 77 dans la limite des places disponibles