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Loreto Martínez Troncoso

La ferme ! (Soliloque d’un insomniaque)

performance

 

avec Clément Robert à la batterie

« Je suis parti de la « figure » de l’insomniaque. Quelqu’un qui (pendant ses nuits d’insomnie) tâtonne, bégaie… entre rester là ou bouger, sortir (- au moins - de son lit). (...) Il ne sait plus quelle heure il est et il veux se reposer, en même temps qu’il ne sent plus sa fatigue et qu’il compte le temps passér. C’est ce passage, cet entre’ qui m’intéressait. Cet état de veille, de lucidité, de… conscience (...). »

RE : proyecto arte público Santiago
De : loretomartineztroncoso@hotmail.com
Enviado : sábado, 21 de noviembre de 2009 04:59:29 p.m.
Para : pablofanego@hotmail.com

 

Hola Pablo,
Kuku Pablo,
Un mes más tarde…
Un mois plus tard…
Je ne sais pas comment avance ton projet.
Par rapport à mon travail, bon, j’ai fait pas mal des choses ce dernier temps, de là mon retard. En ce moment, je suis en train de travailler, et j’aimerai continuer avec du temps, avec plus de temps de lecture et d’écriture, sur l’action et l’inaction.

 

Depuis quelque temps je me suis interessé j’ai lu, j’ai écrit et parlé sur la disparition, l’écartement, de figures, personnages, attitudes (?) postures et impostures, comme « Bartleby et compagnie », comme dirait notre voisin Vila-Matas, Oblomov, etc.  Peut-être une inaction, une quiétude qui est active (la frontière, s’il y en a une, entre l’action et l’inaction est fragile, je pense) la/une résistance ? Mais j’aimerai aussi réfléchir à l’action. Qu’est-ce que c’est passer à l’action ? Et/Ou comment on y passe ? Comment et quand ça se met en mouvement. Qu’est-ce que c’est la rébellion, la révolte, la révolution, la violence et la non-violence (je pense à la non-violence de Gandhi), (des stratégies de). Pour l’instant ce sont des grands termes et des grandes lectures comme L’homme révolté et Le mythe de Sisyphe de Camus.

 

Les damnés de la terre de Frantz Fanon, les Carnets du sous-sol de Dostoïevski (bien ennervé qu’il est)… Les sous-sols m’intéressent comme lieu, comme espace (mental et pas que). Une fois de plus, un lieu d’écartement ? Mais comme un ami me  disait l’autre jour : ça doit sortir par quelque part. Ça doit remonter d’une façon ou d’une autre. Et, comment pas, Kafka, Le terrier et ses « architectures » (hantées ? et pas que)

 

Voilà, voilà. En grandes lignes et rapidement. J’aimerais écrire et écrire autour de tout ça. Peut-être un livre ou un recueil de  textes… (c’est une envie) et à partir de là et pendant, ce processus là, imaginer des interventions publiques possibles. En ce moment je prépare une pour très prochainement, samedi prochain, à la Ferme du Buisson. Je suis parti de la « figure » de l’insomniaque. Quelqu’un qui (pendant ses nuits d’insomnie) tâtonne, bégaie… entre rester là ou bouger, sortir (- au moins - de son lit). Il veut bouger, sortir mais son corps reste immobile. Il a une activité mental saccadé, de fois remonté, exagérée (je pense à l’« art de l’exagération » de Thomas Bernhard), des fois calme, en suspension. Il ne sait plus quelle heure il est et il veux se reposer, en même temps qu’il ne sent plus sa fatigue et qu’il compte le temps passér. C’est ce passage, cet entre’ qui m’intéressait. Cet état de veille, de lucidité, de… conscience, parlait l’autre jour David. C’est Claudio Magris dans El infinito viajar (L’infinito viaggiare, 2005) qui reprend la distinction entre l’écriture diurne et l’écriture nocturne adoptée par Ernesto Sábato où il parle aussi de conscience (aussi le je « malade », comme il dit, des Carnets du sous-sol en parle bcp). (et je traduis du castellano al francés) :

 

« Dans la diurne l’auteur, (…), exprime d’une certain façon une perception du monde qui partage personnellement ; parle de ses sentiments et ses valeurs ; combat sa « belle bataille », (…), pour les choses dans lesquelles il croit et contre ce qu’il considère le mal.  L’écriture diurne essaie de comprendre, expliquer ses phénomènes, situer les destins individuels, aussi les douloureux, au milieu de la totalité du réel et de sa signification. C’est une écriture qui veut donner du sens aux choses ; placer chaque expérience particulière - si lancinante qu’elle soit - dans une totalité qui la comprenne et qui par le seul fait de la comprendre puisse la encadrer dans un contexte plus vaste.

 

L’autre écriture, la nocturne, se confronte avec les vérités les plus perturbatrices et que soi-même n’ose pas confesser ouvertement, desquelles peut-être il ne se rend peut-être pas compte ou même - comme dit Sábato - l’auteur refuse et estime « indignes et détestables ». C’est une écriture qui souvent remplit d’étonnement l’auteur même, parce qu’il peut se révéler ce qu’il ne sait pas et qu’il sent : sentiments ou épiphanies qui éludent le contrôle de la conscience et des fois vont au-delà de ce que la conscience aurait permis, qui contredit les intentions et les principes mêmes de l’auteur en le submergeant dans un monde sombre. Un monde bien différent de celui que l’auteur aime et dans lequel il désirerait se mouvoir et vivre, (…) ; une écriture qui des fois est la  rencontre, aliénatrice et créatrice, avec un sosie ou au moins un composant inconnu de soi-même qui parle avec une autre voix, qu’il est nécessaire de laisser parler aussi quand on aurait préféré l’entendre dire d’autres choses où on se sent, pour citer une fois plus Sábato, « trahit » dans nos convictions morales par ce qu’elle dit ».

 

David disait aussi à un moment : « L’action est (— ou serait ?) la liberté ». (je ne sais pas pour quoi mais j’ai du mal avec ce mot (gros mot ?) mais il m’a fait repenser à quelque chose que Paul Nizan écrivait, et que j’ai trouvé l’autre jour en cherchant, lisant sur Frantz Fanon : « Aussi longtemps que les hommes ne seront pas complets et libres, assurés sur leurs jambes et la terre qui les portes, ils rêveront la nuit »).

 

Bon. Voilà où je me meus…

 

Et toi, racontes. ¿Estarás en Galicia y piensas pasar por Vigo en navidades? ¿O Santiago?

 

+ si tu/vous pense-s/-z à quelque choses : lectures, écoutes, films, histoires, anecdotes et autres, n’hesite-s/-z pas à m’écrire.

 

Un beso,
L.

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