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Cécilia Becanovic

L'inertie du héros, Chap. 3 - Immortel, silencieux, insensible, à la manière des pierres

performance

 

avec Pierre Léon, Vladimir Léon, Laurent Talon

et les œuvres de Farah Atassi, Andrea Blum, Armand Jalut, Jean-Pierre Raynaud, Clément Rodzielski

Cécilia Becanovic poursuit l’utilisation libre de documents aux statuts divers, ajoutant aux images fixes des extraits de films, des lectures et une présentation d’oeuvres en direct.

Cécilia Becanovic est commissaire d’exposition. Elle développe ses projets en solo, ou au sein de l’Ambassade, un duo crée avec Maxime Thieffine. Les projets réalisés dans le cadre de cette collaboration ont été pour beaucoup dans la définition d’une méthode curatoriale fondée sur la manie de collectionner des reproductions d’oeuvres et la nécessité d’organiser cette mémoire. Expositions et conférences proposent ainsi des cheminements entre oeuvres d’art, images non artistiques, documents, objets quotidiens, textes, etc. Cette approche à la fois historique, ludique et didactique vise à croiser les références, à produire du sens tout en forgeant des fantaisies. Avec L’Inertie du héros, Cécilia Becanovic poursuit l’utilisation libre de documents aux statuts divers, ajoutant aux images fixes des extraits de films, des lectures et une présentation d’oeuvres en direct. À partir des deux premiers volets de la série (La Vitrine, Paris, décembre 2008, Le Quartier, Quimper, octobre 2009), elle développe un nouveau format. Le troisième volet à La Ferme du Buisson sera l’occasion de mettre en place un travail d’écriture qui prendra la forme d’un dialogue joué par des acteurs, en même temps que se construira en direct un environnement constitué d’objets à l’allure et aux statuts hétérogènes.

 

L’Inertie du héros


Oblomov, Des Esseintes, Hans Castorp, Yvonne princesse de Bourgogne, les garçons de l’Institut Benjamenta, sans oublier le fameux scribe Bartleby, la littérature regorge de personnages indomptables, sauvages, mais aussi d’un raffinement hors du commun, et qui savent dire non. Refusant de travailler, dans l’incapacité de cheminer avec les autres, adeptes de la situation horizontale, on les blâme de paresse comme Alexandre Le Bienheureux dans le film de Yves Robert. Ou bien les voit-on frappés par une lente pétrification comme dans Le Signe du lion réalisé par Eric Rohmer. S’ils souhaitent avoir la solitude pour alliée comme le héros de La Collectionneuse (du même réalisateur), élaborant tout un programme qui consisterait à ne rien faire (sans jamais le mettre en application), celle-ci peut arriver brutalement et permettre au héros de quitter le monde des variations fugaces et vaines. Évoluant dans un paysage qu’il a lui-même tracé, L’Homme qui dort de Perec s’enfonce peu à peu et se perd. De même que le personnage de Kafka dans la nouvelle intitulée Un artiste de la faim, il n’est pas question d’avoir une quelconque activité contrôlée, de produire ou d’agir, mais d’une attente infinie, avant de disparaître dans l’indifférence absolue.

 

Chap. 3 - Immortel, silencieux, insensible, à la manière des pierres


Pour ce troisième chapitre consacré à la question de l’inertie, je souhaitais rapprocher plusieurs matériaux. D’un côté, j’avais le personnage fascinant d’À rebours de Huysmans, vivant reclus dans sa maison, renonçant à sa vie passée, victime d’une puissance créatrice qui se meut très vite en stérilité morne. De l’autre, la formidable histoire inventée par Adolfo Bioy Casares pour L’Invention de Morel dans laquelle le personnage central choisit de vivre la même semaine pour l’éternité. Et, au milieu, la maison que l’artiste Jean-Pierre Raynaud s’était construite à La Celle Saint-Cloud à partir de 1969, ainsi qu’un épisode très fantaisiste de la série culte Chapeau melon et bottes de cuir, dans lequel Diana Rigg, victime d’une machination diabolique, se retrouve prisonnière d’une maison entièrement mécanisée. Les hallucinations et les troubles d’un homme seul dans sa maison, le choix de mourir pour vivre éternellement, celui de construire son propre tombeau, ou encore la maison devenue vivante, poussant le repli de soi jusqu’à l’issue fatale : toutes ces variations de la relation de l’homme à sa vie physique et psychique seront rapportées de façon à comprendre comment un environnement que l’on souhaite contrôler nous emprisonne à notre tour, tandis que la frontière entre le corps et l’esprit se dissout complètement.

 

infos pratiques

sam 28 nov

à 16h30